Loïs Hutton (1893-1972), rythme et couleur

 
 

Loïs Hutton dans Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel © Fred Daniels, MMMI

D’origine anglo-saxonne, Loïs Hutton est une danseuse d’avant-garde incontournable de l’entre-deux-guerres. En 1918, elle rencontre Margaret Morris (1891-1980) (ill.1), chorégraphe pionnière du mouvement libre, et intègre son école éponyme située dans le quartier de Chelsea à Londres où celle-ci propose une formation artistique complète. Loïs Hutton aborde ainsi tous les domaines qui ont trait au spectacle de danse. Elle s’initie notamment à la scénographie et au design de costumes mais aussi aux arts plastiques grâce au cours dispensé par le peintre écossais John Duncan Fergusson

Cette rencontre avec Margaret Morris autour de laquelle gravitent de nombreuses personnalités du monde littéraire et artistique, parmi lesquelles Charles Rennie Mackintosh et Ezra Pound, sera déterminante pour Loïs Hutton. Margaret Morris développe une approche très singulière de la danse s’inscrivant en rupture avec les structures du ballet classique. Les deux femmes se lient rapidement d’amitié et collaborent à la mise en place de summer schools qui ont lieu dans le sud-est de la France. 

ill.1 Loïs Hutton & Margaret Morris, tirage argentique, collection particulière.

ill.2 Loïs Hutton, Les Ballets Rythme et Couleur, projet d’affiche, 1926, gouache aquarellée sur papier, collection particulière.

Quelques années plus tard, en 1924, Loïs Hutton et son amie Hélène Vanel fondent le Studio Rythme et Couleur à Saint-Paul-de-Vence (ill.2). Il s’agit d’un studio de danse libre au sein duquel les deux artistes élaborent des théories modernes qu’elles diffusent de façon semestrielle dans les Cahiers Rythme et Couleur publiés à partir de 1925. Elles conçoivent le corps comme un médium au service d’une composition globale et considèrent son mouvement tel le dessin d’une ligne dans l’air. 

Loïs Hutton et son amie parcourent ensemble les théâtres d’Europe avant de retourner dans le Sud où elles ouvrent leur propre salle de spectacle qui sera fréquentée par les acteurs de l’avant-garde artistique européenne tels que Salvador Dali ou encore Pablo Picasso.

Parallèlement à sa carrière de danseuse, Loïs Hutton produit une œuvre picturale ambitieuse et originale. Ses études à la gouache et ses huiles empruntent notamment aux coloristes écossais ainsi qu’au fauvisme et au cubisme. 

ill.3 Loïs Hutton, Composition, Ground design of dance, 22 mai 1919, gouache et fusain sur papier, 20 x 25,5 cm.

L'œuvre sur papier de 1919 (ill.3) que nous proposons s’inscrit directement en lien avec l’activité de chorégraphe de l’artiste. Les annotations au crayon “fool’s dance” et “ground design of dance” nous livrent des clés de lecture. La première annotation (trad. “danse humoristique”) renvoie à un type de danse en solo que l’on retrouve au répertoire du Studio Rythme et Couleur. La seconde annotation (trad. “dessin de la danse au sol”) renvoie quant à elle aux réflexions relatives au mouvement du corps déjà en germe dans l’esprit de Loïs Hutton en 1919. Réflexions qu’elle partage avec Margaret Morris et qu’elle approfondira quelques années plus tard au sein de son Studio. En effet, le tracé noir formant une combinaison de lignes droites et de lignes courbes semble retranscrire les mouvements du danseur sur la surface plane qu’est le sol. 

La seconde œuvre que nous proposons est datée de 1920 (ill.4). Nous pouvons la mettre en rapport avec certaines chorégraphies originales imaginées avec Margaret Morris (ill.5). Cette approche moderne de l’expression corporelle est directement issue de l’enseignement d’Isadora Duncan (1877-1927) qui la première révolutionne la pratique de la danse au début du XXe siècle en s’inspirant des positions qu'adoptaient les athlètes de la Grèce antique.

Enfin, toujours en lien étroit avec l’activité de chorégraphe de Loïs Hutton, nous proposons cette étude de 1922 (ill.6). Il s’agit d’une composition abstraite dont l’annotation “background design” renvoie très probablement à l’étude d’un arrière-plan de scène et témoigne de la place du dessin dans le processus créatif de l’artiste, non seulement s’agissant des mouvements des corps ou encore des costumes mais aussi s’agissant du décor.

ill.4 Loïs Hutton, Mouvement, 1920, gouache sur traits de crayon sur papier, 23 x 30 cm. / ill.5 Final group of « Rondo », chorégraphie par Margaret Morris & Loïs Hutton.

ill.6 Loïs Hutton, Composition abstraite, background design, 1922, aquarelle et crayon sur papier, 26,5 x 36 cm.

 
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